Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/640

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toutes ces choses aux conseils de la déesse Égérie, pour que les Romains, encore barbares, les accueillissent avec plus de respect. Enfin, il sut si bien apprivoiser ce peuple farouche, qu’un empire fondé par la violence et l’usurpation fut gouverné par la religion et la justice (35).

III. — De Tullus Hostilius. — (An de Rome 82.) — Numa Pompilius eut pour successeur Tullus Hostilius, à qui l’on donna librement le trône pour honorer son courage. Il fonda toute la discipline militaire et l’art de la guerre (36). Lorsqu’il eut parfaitement exercé la jeunesse, il osa provoquer les Albains (37), peuple redoutable, et qui avait longtemps tenu le premier rang. Mais comme, par l’égalité de leurs forces, les deux nations s’affaiblissaient dans de fréquents combats, on voulut abréger la guerre ; trois frères de part et d’autre, les Horaces et les Curiaces, furent chargés des destinées de leur pays. La lutte incertaine, mais glorieuse (38), eut une issue miraculeuse. D’un côté, en effet, les trois combattants étaient blessés ; de l’autre, deux avaient été tués ; l’Horace qui survivait ajouta la ruse au courage ; pour diviser l’ennemi, il feignit de prendre la fuite ; et fondant sur ceux qui le suivaient à des distances inégales, il les terrassa l’un après l’autre. Ainsi, gloire donnée à peu de nations ! la main d’un seul homme nous obtint la victoire ; il la souilla bientôt par un parricide. Il vit sa sœur pleurer auprès de lui sur les dépouilles d’un Curiace, son fiancé, mais l’ennemi de Rome. Horace punit par le fer les larmes intempestives de cette jeune fille. Les lois réclamèrent le châtiment du coupable ; mais la valeur fit oublier le parricide, et le crime disparut devant la gloire (39).

Cependant les Albains ne furent pas longtemps fidèles : car, dans une guerre contre les Fidénates, où, d’après le traité, ils servaient comme auxiliaires, ils attendirent, immobiles entre les deux armées, que la fortune se déclarât. Mais l’adroit Hostilius vit à peine ces alliés s’avancer vers l’ennemi, que, pour rassurer les esprits, il feignit d’avoir lui-même ordonné ce mouvement, feinte qui remplit d’espérance nos soldats, et les Fidénates d’effroi. Le dessein des traîtres demeura ainsi sans effet. Les ennemis, ayant donc été vaincus, l’infracteur du traité, Mettus Fufétius, fut lié entre deux chars et écartelé par des chevaux fougueux. Quant à la ville d’Albe, mère, il est vrai, mais rivale de la nôtre, Tullus la fit raser, après avoir transféré à Rome ses richesses et même sa population ; de sorte qu’il sembla moins avoir détruit une cité qui avait avec Rome des liens de parenté, qu’avoir réuni les membres d’un même corps (40).

IV. — D’Ancus Marcius. — (An de Rome 114.) — Ensuite vint Ancus Marcius, petit-fils de Numa, dont il eut le caractère (41). Il entoura d’une muraille les retranchements de la ville, joignit par un pont les rives du Tibre (42) qui la traverse, et fonda une colonie à Ostie[1], à l’embouchure même de ce fleuve ; sans doute son esprit pressentait déjà que les richesses et les productions du monde entier y seraient reçues comme dans l’entrepôt maritime de Rome.

V. — De Tarquin l’Ancien. — (An de Rome 139.) — Tarquin l’Ancien, qui lui succéda, quoique d’une famille venue d’au-delà des mers, osa aspirer au trône ; il le dut à son adresse et à l’élégance de ses mœurs. Originaire de Corinthe, il alliait

  1. A six milles de Rome, aujourd’hui Civita Vecchia.