Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/644

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quel homme tu as échappé ; Eh bien ! nous sommes trois cents qui avons fait le même serment. » Pendant cette action, chose prodigieuse ! il était impassible, et le roi tremblait comme si c’eût été sa main que dévorait la flamme. Voilà ce que firent les hommes ; mais les deux sexes rivalisèrent de gloire, et les jeunes filles eurent aussi leur héroïsme. Clélie, une de celles qu’on avait données en otage à Porsena, échappée à ses gardes, traversa à cheval le fleuve de la patrie. Enfin le roi, effrayé de tant de prodiges de courage, s’éloigna des Romains, et les laissa libres 55). Les Tarquins continuèrent la guerre jusqu’au moment où Aruns, fils du roi, fut tué de la main de Brutus, lequel, blessé en même temps par son ennemi, expira sur son corps, comme s’il eût voulu montrer qu’il poursuivait l’adultère jusqu’aux enfers (56).

XI. — Guerre contre les Latins. — (An de Rome 258 - 298). — Les Latins soutenaient aussi les Tarquins par un esprit de rivalité et d’envie contre un peuple qu’ils auraient voulu, puisqu’il dominait au dehors, voir du moins esclave dans ses murs. Tout le Latium se leva donc, sous la conduite de Mamilius de Tusculum, comme pour venger le roi. On combattit près du lac Régille[1] ; la victoire fut longtemps douteuse ; enfin le dictateur Postumius (57), recourant, pour la décider, à un moyen nouveau et ingénieux, jeta une enseigne au milieu des ennemis, afin que les Romains se précipitassent pour la reprendre (58). Cossus, maître de la cavalerie, par un expédient également sans exemple, fit ôter les freins des chevaux, pour faciliter l’impétuosité de leur course (59). Telle fut enfin la fureur du combat, que la renommée y mentionna l’intervention des dieux, comme spectateurs ; l’on en vit deux montés sur des chevaux blancs ; personne ne douta que ce ne fussent Castor et Pollux[2]. Aussi, le général leur adressa-t-il ses vœux : pour prix de la victoire, il leur promit et leur éleva des temples qui furent comme la solde de ces divins compagnons d’armes.

Jusqu’ici Rome avait combattu pour la liberté : bientôt elle fit pour ses limites, et contre les mêmes Latins : une guerre sans fin et sans relâche. Sora[3] et Algidum[4], qui le croirait ? furent la terreur des Romains ; Satricum et Corniculum[5], furent des provinces romaines. Je rougis de le dire, mais nous avons triomphé de Vérule[6] et de Bovile[7]. Nous n’allions à Tibur[8], maintenant faubourg de Rome, et à Préneste[9], nos délices d’été, qu’après avoir fait des vœux au Capitole (60). Alors Fésules[10] était pour les Romains ce que Carres[11] fut depuis ; le bois d’Aricie[12] était leur forêt Hercynienne[13] ; Frégelles[14], leur Gesoriacum[15] ; le Tibre, leur Euphrate. Coriole[16] même, quelle honte ! Coriole, réduite par les armes, fut un si beau titre de gloire, que le vainqueur de cette place, Caïus Marcius, joignit à son nom celui de Coriolan, comme s’il eût, conquis Numance ou l’Afrique. On voit encore dans le Forum les dépouilles d’Antium, que Ménius suspendit à la tribune aux

  1. Aujourd’hui Logo di san Prusso.
  2. Val. Max., l. I, c. 8, § 1.
  3. Petite ville des Volsques, à l’embouchure du Liris.
  4. Montagne et petite villes des Eques, près de Tusculum, et à deux milles de Rome.
  5. Ville des Latins.
  6. Ville des Herniques, aujourd’hui Verulo'.
  7. Bos villa, terre des bœufs, ville du Latium à peu de distance de Rome.
  8. Aujourd’hui Tivoli.
  9. Capitale des Eques, aujourd’hui Palestrina.
  10. Dans la Toscane, aujourd’hui Fiésole.
  11. Ville de Mésopotamie, près de laquelle Crassus fut défait par les Parthes.
  12. Aux environs d’Albe, dans le Latium, aujourd’hui La Riccia.
  13. Nom général des forêts de la Germanie.
  14. Ville du Latium, près du fleuve Liris.
  15. Aujourd’hui Boulogne-sur-Mer.
  16. Ville des Volsques dont il ne reste aucun vestige.