Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/665

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prétorien était une promesse manifeste de la victoire (33). Attale, roi de Pergame[1], s’était fait de lui-même notre auxiliaire. Les Rhodiens, peuple navigateur, nous prêtèrent aussi leurs secours ; avec eux sur mer, et avec ses cavaliers et ses fantassins sur terre, le consul battait l’ennemi partout. Philippe fut deux fois vaincu, deux fois mis en fuite, deux fois dépouillé de son camp. Rien cependant n’effraya plus les Macédoniens que l’aspect même de leurs blessures, qui, faites, non avec les traits, les flèches ou les faibles armes de la Grèce, mais avec d’énormes javelots et de non moins grandes épées, ouvraient plus d’un chemin à la mort. Bientôt après, sous la conduite de Flamininus, nous franchîmes les montagnes jusqu’alors inaccessibles de la Chaonie et le fleuve Aoüs, qui se précipite entre des rocs, et les barrières mêmes de la Macédoine. Ce fut vaincre que d’y entrer (34). Car jamais, depuis ce jour, le roi n’osa en venir aux mains ; près des collines nommées Cynocéphales[2], on l’accabla d’un seul coup, et ce ne fut pas même dans un véritable combat. Le consul lui donna la paix et lui laissa son trône. Bientôt, pour prévenir toutes les causes de guerre, il réprima Thèbes, et l’Eubée, et Lacédémone qui s’agitait sous son chef Nabis. Quant à la Grèce, il lui rendit son ancien état, afin qu’elle vécût sous ses lois et jouît de son antique liberté. Quels transports, quelles acclamations, le jour où, sur le théâtre de Némée, pendant les jeux quinquennaux[3], le héraut chanta ce décret (35) ! Quel concours d’applaudissements ! que de fleurs répandues aux pieds du consul ! combien de fois on obligea le héraut à répéter ces paroles qui proclamaient la liberté de l’Achaïe ! Cette sentence du consul charmait les oreilles des Grecs autant que les plus mélodieux accords de la flûte ou de la lyre (36).

VIII. — Guerre de Syrie contre le roi Antiochus. — (An de Rome 561-564.) — La soumission de la Macédoine et du roi Philippe fut suivie de près de celle d’Antiochus : c’était le hasard, ou plutôt une heureuse combinaison de la fortune, qui voulait que notre domination s’étendît d’Afrique en Europe, puis d’Europe en Asie, selon les occasions qui se présentaient d’elles-mêmes ; et que le cercle de nos victoires embrassât, d’après leur situation, tous les pays de l’univers. Nulle guerre ne parut plus formidable aux Romains; ils se retraçaient les Perses et l’Orient, Xerxès et Darius, et on racontait que ces monts inaccessibles avaient été percés par la main de l’homme, et que la mer avait disparu sous le nombre des voiles. A cette terreur se joignait l’effroi causé par les menaces célestes : l’Apollon de Cumes[4] se couvrait d’une sueur continuelle ; mais c’était l’effet des alarmes de ce dieu pour sa chère Asie.

Nulle contrée n’est plus peuplée, plus riche, plus belliqueuse que la Syrie ; mais elle était tombée entre les mains d’un roi si lâche que la plus grande gloire d’Antiochus est d’avoir été vaincu par les Romains. Ce roi fut poussé à la guerre, d’un côté par Thoas, chef des Étoliens, qui se plaignait de ce que les Romains avaient fait peu de cas de son alliance dans la guerre contre les Macédoniens ; de l’autre, par Annibal, qui, vaincu en Afrique, fugitif, et ne pouvant supporter la paix, cherchait

  1. Ville de la Mysie, dans l’Asie Mineure.
  2. Têtes de chiens parce que ce lien, situé en Thessalie, non loin de Pharsale, est tout hérissé d’éminences qui présentent au loin cette apparence.
  3. Ils étaient triennaux.
  4. En Eolie. V. Cicer. de Divin. l i, c. 43 : il parle ainsi de ce prodige.