Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/712

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avoir rassemblé des forces considérables, étaient allés camper dans la même plaine qui avait été si fatale à Cnaeus Pompée. Cette fois aussi, des signes manifestes annoncèrent à ces généraux le désastre qui les menaçait. Autour de leur camp voltigeaient, comme autour d’une proie déjà sûre, des oiseaux habitués à se repaître de cadavres. Ils firent, en marchant au combat, la rencontre d’un Ethiopien, présage trop certain d’un malheur. Brutus lui-même se livrait, pendant la suit, à la lueur d’une lampe, à ses méditations accoutumées, lorsqu’un noir fantôme lui apparut ; il lui demanda qui il était – « Ton mauvais génie », lui répondit le spectre, en disparaissant à ses yeux étonnés.

Dans le camp de César, il y avait également des présages, mais de meilleurs ; le vol des oiseaux et les entrailles des victimes y promettaient la victoire. L’augure le plus favorable fut l’avertissement que le médecin de César reçut en songe de le faire transporter hors du camp, qui était menacé d’être pris, et qui le fut en effet. L’action s’étant engagée, on se battit quelque temps avec une égale ardeur, bien qu’aucun des deux chefs ne fût présent à la bataille ; l’un était retenu par la maladie, l’autre par la crainte et la lâcheté. Toutefois, l’invincible fortune de César et de son vengeur prit parti dans cette journée. La victoire fut d’abord incertaine et les avantages égaux de part et d’autre, comme le montra l’issue du combat. Le camp de César et celui de Cassius furent également emportés.

Mais que la fortune a plus de puissance que la vertu ! et qu’elle est vraie, cette dernière parole de Brutus mourant : « La vertu n’est qu’un vain nom ! » Une méprise donna la victoire dans ce combat. Cassius, voyant plier l’aile qu’il commandait, et jugeant, au mouvement rapide d’où revenait la cavalerie après avoir forcé le camp de César, qu’elle prenait la fuite, se retira sur une éminence. La poussière, le bruit, et l’approche de la nuit lui dérobaient le véritable aspect des choses ; de plus, un éclaireur qu’il avait envoyé à la découverte tardait à lui rapporter des nouvelles ; il crut son parti ruiné sans ressource, et présenta sa tête au glaive d’un de ceux qui l’entouraient. Avec Cassius, Brutus perdit son courage. Fidèle à l’engagement qu’il avait pris, (ils étaient convenus de ne pas survivre à leur défaite), il offrit aussi sa poitrine à l’épée d’un de ses affidés (57). Qui ne s’étonnera pas que des hommes aussi sages n’aient pas eux-mêmes terminé leurs destins ? Peut-être étaient-ils persuadés qu’ils ne pouvaient souiller leurs mains de leur propre sang, et que, pour l’affranchissement de leurs âmes si saintes et si pieuses, ils devaient, à leur avis, laisser d’autres le crime de l’exécuter.

VIII. — Guerre contre Sextus Pompée. — (An de Rome 715-718). — Les meurtriers de César étaient détruits ; restait la famille de Pompée : l’un de ses fils était mort en Espagne, l’autre n’avait dû son salut qu’à la fuite. Celui-ci avait ramassé les débris de cette guerre malheureuse et armé jusqu’aux esclaves ; il occupait la Sicile et la Sardaigne. Déjà même sa flotte dominait sur la