Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/714

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d’un respect égal, ils renouvelèrent leur alliance, et ce fut Antoine lui-même qui signa le traité avec le roi des Parthes. Mais, ô immense vanité de l’homme ! ce triumvir, avide de nouveaux titres, et jaloux de faire lire au bas de ses images les noms de l’Araxe et de l’Euphrate (59), sans sujet, sans aucun plan, sans apparence même de déclaration de guerre, comme si la fraude entrait aussi dans la tactique d’un général, il quitte tout à coup la Syrie et se précipite sur les Parthes,. Cette nation aussi rusée que brave simulent l’effroi et fuient à travers leurs campagnes. Antoine les poursuivait, se croyant déjà vainqueur, lorsque, tout à coup, un corps d’ennemis peu considérable s’abattit à l’improviste, vers le soir, comme un orage, sur nos soldats fatigués de la marche, et couvrit deux légions de traits qui pleuvaient de tous côtés.

Ce n’était rien encore au prix du désastre qui nous attendait le jour suivant, si les dieux ne fussent intervenus par pitié pour nous. Un Romain, échappé à la défaite de Crassus, s’approche à cheval de notre camp, sous l’habillement d’un Parthe, et après avoir donné en latin le salut au général, afin de lui inspirer de la confiance, il l’informe des périls qui le menacent : le roi des Parthes doit bientôt paraître avec toutes ses troupes ; il faut que l’armée retourne sur ses pas et gagne les montagnes, précaution qui ne la dérobera peut-être pas encore à l’ennemi. Grâce à cet avis, elle fut moins vivement poursuivie qu’elle n’avait lieu de le craindre. Elle le fut cependant ; et ce reste de nos troupes allait être exterminé, si, accablés d’une grêle de traits, nos soldats, par une espèce d’inspiration, se laissant tomber sur leurs genoux, ne se fussent couvert la tête de leurs bouclier, posture qui fit croire qu’ils étaient tués. Les Parthes alors détendirent leurs arcs. Voyant ensuite les Romains se relever, ils furent frappés d’un tel étonnement qu’un de ces Barbares s’écria : « Allez, Romains, et retirez-vous sains et saufs ; c’est à bon droit que la renommée vous appelle les vainqueurs des nations, puisque vous avez échappé aux flèches des Parthes. »

Par la suite, les malheurs, sur le chemin du retour, ne furent pas moins importants que la défaite infligée par l’ennemi. D’abord, c’était une région où l’on souffrait de la soif ; puis, l’eau saumâtre des fleuves fut pour certains plus funeste encore ; enfin l’eau douce même devint nuisible, parce que nos soldats, dans l’état de faiblesse où ils se trouvaient, en burent avec avidité. Exposés bientôt et aux chaleurs de l’Arménie et aux frimas de la Cappadoce, le changement subit de ces climats si différents produisit sur eux l’effet de la peste. C’est ainsi que, ramenant à peine le tiers de seize légions, après avoir vu mettre en pièces, à coups de hache, son argenterie (60), et conjuré à diverses reprises son gladiateur de lui donner la mort, cet illustre général se réfugia enfin en Syrie. Là, par un incroyable aveuglement d’esprit, il se montra plus arrogant que jamais, comme s’il eût vaincu l’ennemi, quand il n’avait fait que lui échapper.

XI. — Guerre contre Antoine et Cléopâtre. — (An de Rome 722). — La fureur d’Antoine, qui n’était pas tombée devant le résultat de son ambition, trouva un terme dans son luxe et ses dé-