Page:Salluste, Jules César, C. Velléius Paterculus et A. Florus - Œuvres complètes, Nisard.djvu/719

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des ennemis, fut arrachée de sa pique par le porte-enseigne, qui, après l’avoir enveloppée dans les plis de son baudrier, l’emporta au fond d’un marais ensanglanté où il se cacha. C’est ainsi que l’empire, que n’avaient pu arrêter les rivages de l’Océan, s’arrêta sur la rive du Rhin.

Ces événements se passaient au septentrion. Au midi, il y eut plutôt des tumultes que des guerres. César réprima les Musulaniens et les Gétules[1], voisins des Syrtes, par les armes de Cossus, qui en reçut le nom de Getulique. Il étendit plus loin ses triomphes. Il chargea Quirinius de soumettre les Marmarides et les Garamantes[2]. Ce général pouvait aussi revenir avec le surnom de Marmarique ; mais il fut plus modeste appréciateur de sa victoire.

En Orient, on eut plus de peine à soumettre les Arméniens. Auguste envoya contre eux l’un des Césars, ses petits-fils. Le destin ne leur accorda qu’une courte vie à tous deux ; et celle de l’un fut sans gloire. Lucius mourut de maladie à Marseille, Caius, en Syrie[3], d’une blessure reçue en reconquérant l’Arménie qui venait de se livrer aux Parthes. Pompée, vainqueur du roi Tigrane, n’avait assujetti les Arméniens qu’à un seul genre de servitude ; c’était de recevoir de nous leurs gouverneurs. Ce droit, dont l’usage avait été interrompu, Caius le recouvra par une victoire sanglante, mais qui ne resta pas sans vengeance. En effet, Domnès, à qui le roi avait confié le gouvernement d’Artaxate, feignant de trahir ce prince, et marchant avec effort, comme à peine guéri d’une blessure récente, remit à Caius un mémoire contenant, disait-il, l’état des trésors de Tigrane ; et, tandis que ce général le lisait attentivement, il se jeta sur lui. Le Barbare, poursuivi et enveloppé par les soldats irrités, se perça de son glaive, et courant se jeter dans un bûcher, satisfit d’avance aux mânes de César qui lui survivait.

A l’Occident, presque toute l’Espagne était pacifiée ; il ne restait à soumettre que la partie qui touche aux extrémités des Pyrénées et que baigne l’Océan citérieur. Là, deux puissantes nations, les Cantabres et les Astures, vivaient indépendantes de notre empire. Les Cantabres furent les plus dangereux, les plus fiers, les plus obstinés dans leur rébellion. Non contents de défendre leur liberté, ils tentaient encore d’asservir leurs voisins, et fatiguaient de leurs fréquentes incursions les Vaccéens, les Curgioniens et les Autrigones. A la nouvelle de ces mouvements et de ces violences, César, sans confier à d’autres cette expédition, l’entreprend lui-même. Il se rend à Ségisama[4], et y place son camp ; puis, divisant son armée, il investit à un jour fixé toute la Cantabrie, et soumet cette nation farouche, en la cernant de toutes parts, comme des bêtes fauves qu’on veut prendre dans des toiles. Il ne leur laisse pas plus de repos du côté de l’Océan, et les attaque par derrière avec une flotte formidable. La première bataille contre ces Cantabres se livre sous les murs de Vellica, d’où ils s’enfuient sur le mont Vinnius, dont le sommet est si élevé qu’il leur semblait que les flots de l’Océan y monteraient plutôt que les armes romaines. Ils soutiennent vigou-

  1. Les premiers habitaient la partie méridionale de la Mauritanie Césarienne ; les seconds s’étendaient dans les déserts qui sont au sud de ce pays.
  2. Les Marmarides habitaient la partie de la Libye intérieur appelée Marmarique ; les Garamantes les déserts au sud de la Marmarique.
  3. Vell. Pat. l. ii c. 102 dit en Lycie.
  4. Ville dont la position est incertaine.