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Page:Salomon Reinach, Sidonie ou le français sans peine, 1913.djvu/17

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chaque époque et à chaque écrivain. On dit “le style du XVII siècle,” ‘le style de Racine,” ‘le style de Victor Hugo.” Quand on qualifie un style de “ bon ”” ou de ‘“ mauvais,’ d’“ élégant ” ou de “lourd,” c’est affaire de jugement; mais les lettrés, les connaisseurs sont presque toujours d'accord à ce sujet. Notez que tous les écrivains d’une même époque se servent à peu près des mêmes mots et obéissent aux mêmes règles de la grammaire; pourtant, la plupart ont un style mou, veule, dur, broussailleux ou incorrect, tandis qu’un petit nombre écrivent très bien. On peut enseigner les mots et la grammaire; on n’enseigne pas le bon style, car, pour bien écrire, il faut avoir du talent, ce qui n’est pas le partage de tout le monde. Mais tout le monde peut apprendre, par comparaison, à distinguer un beau style d’un style fâcheux. Voici deux exemples instructifs.

Ernest Renan, un des plus grands génies du XIX° siècle, a dédié à sa sœur Henriette, morte de la fièvre en Syrie, un livre qu’il écrivit là-bas auprès d'elle (1861) :

Te souviens-tu, du sein de Dieu où tu reposes, de ces longues journées de Ghazir[1], où, seul avec toi, j’écrivais ces pages

  1. Village de Syrie, où Renan avait séjourné avec sa sœur, au cours d'une mission scientifique dont l'avait chargé Napoléon III.