Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/113

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
101
CONTES

réveillés font entendre tous à la fois mille cris joyeux, son âme frémissait en tous sens, agitée de sentiments confus.

Il fit quelques pas en tâtonnant ; ses mains rencontrèrent la dépouille de l’agneau, et il porta vivement à ses lèvres la laine tiède et bouclée. Alors une sensation étrange monta du fond de son être, comme une lame irrésistible qui vient du large et court se briser sur le rivage. Sa poitrine se gonfla coup sur coup de soupirs saccadés, et soudain, de ses yeux brûlés, une eau mystérieuse jaillit, tomba à larges gouttes sur son chagrin, comme une pluie rafraîchissante sur l’herbe fanée des prairies ; et, plein d’un étonnement délicieux, il murmura :

― Les dieux ne connaissent pas la douceur de pleurer.

À partir de ce jour, son existence se modifia singulièrement. La pensée qu’il ne porterait plus longtemps ses peines en atténua sensiblement l’acuité.

Comme un homme placé sur le bord d’un