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Page:Samain - Œuvres, t3, 1921.djvu/246

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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN


POLYPHÈME,
s’arrêtant et relevant la tête.

Ah ! j’ai senti frémir la mer et les forêts :
Laisse-moi respirer un peu le vent qui passe ;
C’est comme la pitié de la nuit sur ma face…

Se baissant.

Elle est là… Je frissonne… et mon cœur se souvient.

LYCAS

J’ai peur… Que vas-tu donc lui faire ?

POLYPHÈME

Ne crains rien…
C’est bien elle !… Voici sa couche de feuillage,
Ici sont ses bras nus… et voici son visage…
Petit oiseau d’amour, ô tout ce que j’aimais !
Mon rayon de soleil !… disparu pour jamais !…
T’en vouloir ?… À quoi bon ?… Petite âme imprudente,
Tu jouais. Tu riais de ma détresse ardente…
Tu riais… Tu riras… sans doute, encor demain.
Quelques pleurs essuyés du revers de la main,
Et ce sera fini… Tu riras… pour lui plaire !…
C’est terrible… Et je dis tout cela sans colère.
Tout à l’heure un désir effrayant m’a mordu :
Fou d’amour et d’horreur, un instant, j’ai voulu.