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ŒUVRES DE ALBERT SAMAIN

lui arrivait en chemin d’attirer brusquement à lui quelque rose lourde, quelque lis violent, et d’y écraser éperdument sa bouche ; ou bien il s’en allait vers la mer, et, de loin, dans le vent nocturne, il respirait les sirènes…

Et il souffrait ainsi mystérieusement ; car ses lèvres étaient solitaires.

Souvent il allait converser avec le sage Glaucos, le vieux porcher du fermier Lycophron ; il préférait ces graves entretiens aux bruyantes gaietés des satyres. Glaucos, qui possédait autrefois de grands biens dans la superbe Sidon, avait été pris par des pirates au cours d’un de ses longs voyages, et rien ne lui restait de ses anciennes richesses.

À travers ces fortunes diverses, il s’était mieux connu ; chargé de jours, il amassait la sagesse, et les paroles inspirées coulaient comme une huile onctueuse sur sa barbe vénérable. Souvent il disait à Hyalis :

― Ô mon fils, j’ai beaucoup vécu, et j’ai appris que la première loi du monde est la