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LE PICCININO.



Mais il l’oublia, ce vœu formidable… (Page 54.)

Point d’éclaircissements possibles à ce fait bizarre. La princesse ne connaissait pas Michel ; elle ne l’avait jamais vu, il n’était point encore à Catane lorsqu’elle avait pris le scapulaire de Mila pour l’échanger contre cette riche monture. Il est difficile de croire qu’une femme puisse s’éprendre d’un homme à la seule vue de la couleur de ses cheveux. Michel eut beau chercher, il ne trouva que cette explication peu satisfaisante pour son ardente curiosité : la princesse avait peut-être aimé une personne dont les cheveux étaient absolument de la même nuance et de la même finesse que ceux de Michel. Elle les portait dans un médaillon. En voyant le culte de la jeune Mila pour cette relique fraternelle, elle avait fait faire un médaillon tout pareil au sien, et le lui avait donné.

Mais que les vraisemblances de la vie sont invraisemblables pour une tête de dix-huit ans ! Michel trouvait bien plus probable d’avoir été aimé avant d’avoir été vu ; et, quand il fut vaincu enfin par le sommeil, les deux médaillons étaient encore dans sa main entr’ouverte.

Quand il s’éveilla, vers midi, il n’en trouva plus qu’un : l’autre était tombé dans ses draps, apparemment. Il défit et bouleversa son lit, passa une heure à fouiller toutes les fentes de son plancher, tous les plis de ses vêtements étendus sur une chaise à son chevet. Un des deux talismans avait disparu.

« Ceci, pensa-t-il, est un tour de mademoiselle Mila. » La porte de sa chambrette ne fermait qu’au loquet, et la jeune fille travaillait, en chantant, dans la mansarde contiguë à la sienne.

« Ah ! vous voici enfin levé ? lui dit-elle d’un air boudeur, lorsqu’il se présenta devant elle. C’est fort heureux ! Voulez-vous maintenant me rendre mon médaillon ?

― Il me semble, petite, que vous êtes venue le reprendre pendant que je dormais.

― Puisque vous le tenez dans votre main ! s’écria-t-elle en lui saisissant la main à l’improviste. Voyons, ouvrez-la, ou je vous pique les doigts avec mon aiguille.

― Je le veux bien, dit-il, mais ce bijou n’est pas le vôtre. Vous m’avez déjà repris celui qui vous appartient.

― Vraiment ! dit Mila en arrachant le bijou de la main de son frère, qui se défendait faiblement en la regardant avec attention ; ceci n’est pas à moi ? Vous croyez que je peux m’y tromper ?