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JEANNE.

de rassurer ta marraine, et de lui bien persuader que, dans tout cela, il n’y a pas de ta faute.



Le vagabond.

— Vous pouvez bien encore le dire, monsieur Marsillat. Je ne suis fautive de rien, et ce n’est pas à cause de moi que mon parrain se fait de la peine. C’est impossible !

— Oh ! pour cela, Jeanne, je n’en peux pas répondre. Je sais bien que tu n’es pas coquette ; mais pourrais-tu jurer devant Dieu que tu n’as jamais laissé prendre d’espérance à ton parrain ?

— Oui, Monsieur ; oui, je le jure devant Dieu ; et vous pouvez, en conscience, le jurer aussi !

— Une jeune fille laisse prendre de l’espérance malgré elle, et presque sans le savoir. Tu as de l’amour, Jeanne ; et celui qui l’inspire le voit bien, quelque chose que tu fasses pour le lui cacher.

— Mais c’est faux ! s’écria Jeanne avec l’accent de la vérité. Je n’ai pas eu une minute d’amour pour mon parrain !

— Tu peux m’en donner ta parole d’honneur, Jeanne ? s’écria Léon tout ému.

— Eh oui ! monsieur Léon ! Mais qu’est-ce que ça vous fait à vous ? Vous ne voudrez pas me croire non plus, vous.

— Jeanne, je te croirai ; je t’estime trop pour ne pas te croire. Je suis ton ami, moi, ton seul ami, et je veux être ton défenseur contre ceux qui t’accusent injustement. Tiens, donne-moi ta parole, et mets ta main dans la mienne…

— Et pourquoi ça, Monsieur ?

— Parce que j’engagerai mon honneur pour te défendre, et que c’est une chose grave, ma vieille. Tu ne voudrais pas me faire faire un faux serment ! Tiens, vois-tu, demain matin, je serai auprès de ta marraine. Elle me fera appeler pour m’apprendre ton départ, pour se plaindre de toi, peut-être, et j’aurai l’air de ne t’avoir pas rencontrée ce soir ; mais je pourrai dire que j’étais bien informé de tes sentiments pour Guillaume, et que je puis répondre de ta sincérité. Alors ta marraine me demandera si je veux en jurer, elle me fera mettre ma main dans la sienne, et je ne pourrai pas me décider à le faire, si toi-même tu ne prends avec moi un