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CONSUELO.

de Consuelo se rétablissait à vue d’œil, et rien ne venait troubler les douceurs d’une intimité que la surveillance des argus les plus farouches n’eût pu rendre plus chaste et plus réservée qu’elle ne l’était par le seul fait d’une pudeur vraie et d’un amour profond.



Docteur, s’écria-t-il, venez… (Page 117.)

Cependant la baronne Amélie ne pouvant plus supporter l’humiliation de son rôle, demandait vivement à son père de la reconduire à Prague. Le baron Frédérick, qui préférait le séjour des forêts à celui des villes, lui promettait tout ce qu’elle voulait, et remettait chaque jour au lendemain la notification et les apprêts de son départ. La jeune fille vit qu’il fallait brusquer les choses, et s’avisa d’un expédient inattendu. Elle s’entendit avec sa soubrette, jeune Française, passablement fine et décidée ; et un matin, au moment où son père partait pour la chasse, elle le pria de la conduire en voiture au château d’une dame de leur connaissance, à qui elle devait depuis longtemps une visite. Le baron eut bien un peu de peine à quitter son fusil et sa gibecière pour changer sa toilette et l’emploi de sa journée. Mais il se flatta que cet acte de condescendance rendrait Amélie moins exigeante ; que la distraction de cette promenade emporterait sa mauvaise humeur, et l’aiderait à passer sans trop murmurer quelques jours de plus au château des Géants. Quand le brave homme avait une semaine devant lui, il croyait avoir assuré l’indépendance de toute sa vie ; sa prévoyance n’allait point au delà. Il se résigna donc à renvoyer Saphyr et Panthère au chenil ; et Attila, le faucon, retourna sur son perchoir d’un air mutin et mécontent qui arracha un gros soupir à son maître.

Enfin le baron monte en voiture avec sa fille, et au bout de trois tours de roue s’endort profondément selon son habitude en pareille circonstance. Aussitôt le cocher reçoit d’Amélie l’ordre de tourner bride et de se diriger vers la poste la plus voisine. On y arrive après deux heures de marche rapide ; et lorsque le baron ouvre les yeux, il voit des chevaux de poste attelés à son brancard tout prêts à l’emporter sur la route de Prague.

«Eh bien, qu’est-ce ? où sommes-nous ? où allons-nous ? Amélie, ma chère enfant, quelle distraction est la vôtre ? Que signifie ce caprice, ou cette plaisanterie ? »

À toutes les questions de son père la jeune baronne ne répondait que par des éclats de rire et des caresses enfantines. Enfin, quand elle vit le postillon à cheval et