Prenez le pain et le couteau, et taillez vous-même… (Page 163.)
— À propos, il faut que nous ayons des noms de guerre, c’est l’usage : le vôtre est tout trouvé pour moi. Je dois, conformément à mes manières italiennes, vous appeler Beppo, c’est l’abrévation de Joseph.
— Appelez-moi comme vous voudrez. J’ai l’avantage d’être aussi inconnu sous un nom que sous un autre. Vous, c’est différent. Il vous faut un nom absolument : lequel choisissez-vous ?
— La première abréviation vénitienne venue, Nello, Maso, Renzo, Zoto… Oh ! non pas celui-là, s’écria-t-elle après avoir laissé échapper par habitude la contraction enfantine du nom d’Anzoleto.
— Pourquoi pas celui-là ? reprit Joseph qui remarqua l’énergie de son exclamation.
— Il me porterait malheur. On dit qu’il y a des noms comme cela.
— Eh bien donc, comment vous baptiserons-nous ?
— Bertoni. Ce sera un nom italien quelconque, et une espèce de diminutif du nom d’Albert.
— Il signor Bertoni ! cela fait bien ! dit Joseph en s’efforçant de sourire. »
Mais ce souvenir de Consuelo pour son noble fiancé lui enfonça un poignard dans le cœur. Il la regarda marcher devant lui, leste et dégagée :
« A propos, se dit-il pour se consoler, j’oubliais que c’est un garçon ! »
LXVII.
Ils trouvèrent bientôt la lisière du bois, et se dirigèrent vers le sud-est. Consuelo marchait la tête nue, et Joseph, voyant le soleil enflammer son teint blanc et uni, n’osait en exprimer son chagrin. Le chapeau qu’il portait lui-même n’était pas neuf, il ne pouvait pas le lui offrir ; et, sentant sa sollicitude inutile, il ne voulait pas l’exprimer ; mais il mit son chapeau sous son bras avec un mouvement brusque qui fut remarqué de sa compagne.
« Voilà une singulière idée, lui dit-elle. Il paraît que vous trouvez le temps couvert et la plaine ombragée ? Cela me fait penser que je n’ai rien sur la tête ; mais comme je n’ai pas toujours eu toutes mes aises, je sais bien des manières de me les procurer à peu de frais. »
En parlant ainsi, elle arracha à un buisson un rameau