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CONSUELO.

il rentra dans les broussailles et s’y tint sur ses gardes.



Il tendait à chaque instant un verre… (Page 183.)

Aux cris des deux jeunes gens, qui d’abord furent pris pour des mendiants, la berline ne s’arrêta pas. Les voyageurs jetèrent quelques pièces de monnaie ; et leurs courriers d’escorte, voyant que nos fugitifs, au lieu de les ramasser, continuaient à courir, en criant à la portière, marchèrent sur eux au galop pour débarrasser leurs maîtres de cette importunité. Consuelo, essoufflée et perdant ses forces comme il arrive presque toujours au moment du succès, ne pouvait faire sortir un son de son gosier, et joignait les mains d’un air suppliant, en poursuivant les cavaliers, tandis que Joseph, cramponné à la portière, au risque de manquer prise et de se faire écraser, criait d’une voix haletante :

« Au secours ! au secours ! nous sommes poursuivis, au voleur ! à l’assassin ! »

Un des deux voyageurs qui occupaient la berline parvint enfin à comprendre ces paroles entrecoupées, et fit signe à un des courriers qui arrêta les postillons. Consuelo, lâchant alors la bride de l’autre courrier à laquelle elle s’était suspendue, quoique le cheval se cabrât et que le cavalier la menaçât de son fouet, vint se joindre à Joseph ; et sa figure animée par la course frappa les voyageurs, qui entrèrent en pourparler.

« Qu’est-ce que cela signifie, dit l’un des deux : est-ce une nouvelle manière de demander l’aumône ! On vous a donné, que voulez-vous encore ? ne pouvez-vous répondre ? »

Consuelo était comme prête à expirer. Joseph, hors d’haleine, ne pouvait que dire :

« Sauvez-nous, sauvez-nous ! et il montrait le bois et la colline sans réussir à retrouver la parole.

— Ils ont l’air de deux renards forcés à la chasse, dit l’autre voyageur ; attendons que la voix leur revienne. »

Et les deux seigneurs, magnifiquement équipés, les regardèrent en souriant d’un air de sang-froid qui contrastait avec l’agitation des pauvres fugitifs.

Enfin, Joseph réussit à articuler encore les mots de voleurs et d’assassins ; aussitôt les nobles voyageurs se firent ouvrir la voiture, et, s’avançant sur le marchepied, regardèrent de tous côtés, étonnés de ne rien voir qui pût motiver une pareille alerte. Les brigands s’étaient cachés, et la campagne était déserte et silencieuse. Enfin, Consuelo, revenant à elle, leur parla