Page:Sand - Adriani.djvu/111

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— Pourquoi ?

— Parce que je vois bien que vous me portez un généreux intérêt, et que je ne veux pas en usurper plus que je n’en mérite.

— Vous méritez tout celui dont je suis capable, si votre mal moral est involontaire. Là est la question ; confessez-vous.

— Ma confesser ? dit madame de Monteluz, dont la figure s’assombrit ; et pourquoi donc ?

— Pour que je sache si je dois vous aimer.

— M’aimer ! moi ? s’écria-t-elle en se levant avec effroi. Oh ! non !… Jamais, personne, entendez-vous bien !

— Est-ce que vous croyez que je vous demande de l’amour ? dit d’Argères. Pourquoi cette frayeur ?

— C’est une frayeur d’enfant imbécile, si vous voulez, dit-elle en se rasseyant ; mais, pour moi, le mot aimer est un mot terrible ; et, quand quelqu’un auprès de moi le prononce… Non ! non ! je ne veux pas seulement que Toinette me dise qu’elle m’aime ! Aimer un être mort, c’est affreux ! je sais ce que c’est !

— Alors, vous voulez seulement qu’on vous plaigne ? Vous n’acceptez, comme vous dites, que la pitié ?

— Pourquoi la repousserais-je ? C’est un bon, un divin sentiment, qui fait encore plus de bien à ceux qui l’éprouvent qu’à ceux qui en sont l’objet. Je sens cela