Page:Sand - Adriani.djvu/114

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Il la repoussa avec autorité et resta quelques instants seul et attentif au moindre bruit.

— Que Dieu me pardonne de la torturer peut-être ! pensa-t-il en collant son oreille à la porte. Ce sera son salut.

Il entendit enfin un brusque sanglot et rentra vivement. Laure s’était laissée tomber assise sur ses genoux, les mains pendantes, les cheveux dénoués, des larmes sur les joues, dans une attitude de Madeleine au désert. Elle était si belle dans sa douleur, qu’il en fut ébloui. Il eût osé baiser ses larmes s’il eût été certain, dans le premier moment, de les avoir fait couler.

Mais le sphinx resta muet. Elle se releva précipitamment en voyant d’Argères à ses côtés, et parut croire qu’elle s’était trompée en pensant qu’il la quittait pour toujours.

— Que faisiez-vous là à genoux ? lui dit tristement d’Argères un peu découragé.

— Je priais, dit-elle.

— Et que demandiez-vous à Dieu ?

— De vous donner du bonheur et de me faire bientôt mourir, répondit-elle d’un ton de candeur angélique.

— Mourir ! reprit d’Argères abattu. Oui, c’est le refuge des âmes glacées qui ne veulent plus aimer.

— Dites qui ne peuvent plus ! Écoutez, ne me croyez pas si lâche que de ne pas avoir lutté. Ne me jugez pas