dans ma frayeur, je vous pleurais… car je vous aimais, et je vous aime ! oui, autant que je peux aimer maintenant ! Ne vous y trompez pas, c’est peu de chose, au prix de ce que vous m’offrez. C’est un mouvement égoïste, comme celui de l’enfant qui s’attache à un secours, sans être capable de rendre la pareille. Vous ne devez pas consacrer votre vie, pas même une courte phase de votre vie, à un être frappé de la plus funeste ingratitude, celle qui s’avoue et ne peut se vaincre. Quand même vous en auriez l’admirable courage, je refuserais, moi ! car je me prendrais en horreur, et mon scrupule deviendrait intolérable. Adieu, adieu ! quittez-moi, oubliez-moi quelque temps ; vivez ! Si je guéris, si je me sens renaître, ne fussé-je digne que de l’amitié que vous m’aurez conservée, je vous la réclamerai. Vous êtes trop parfait pour n’avoir pas inspiré déjà d’ardentes amours. Elles n’ont pourtant pas été à la hauteur de votre âme, puisque vous n’avez aucun lien qui vous ait empêché de m’offrir cette âme dévouée ; mais c’est, dans votre destinée, une lacune qui sera comblée promptement. Mal ou bien, vous serez encore récompensé mieux que par moi, jusqu’à l’heure où vous rencontrerez la femme entièrement digne de vous. Cette pensée ne trouble pas l’espérance que je garde de vous retrouver, et d’être pour vous quelque chose comme une sœur respectueuse et tendre.
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