Page:Sand - Adriani.djvu/153

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quelles les forces de la puberté ne changèrent et n’ajoutèrent rien de sensible pour elle-même.

Qu’était-ce qu’Octave ? Toinette l’avait dit : un enfant beau et bon, qui aimait autant que cela lui était possible ; mais ce possible pouvait-il se comparer à la puissance de Laure ? Nullement. La vie physique jouait un rôle trop prononcé dans cette organisation de chasseur antique. La divinité pouvait s’éprendre de lui, il l’admirait sans la comprendre. Il était content d’être saisi et enlevé par elle ; mais il restait chasseur. Ce fut la légende d’Adonis, que la déesse ravissait la nuit dans ses sanctuaires, mais qui, au lever du jour, retournait aux bêtes des bois : « Et il y retourna si bien, comme disent les bonnes gens, qu’il y trouva la mort. »

L’obstination de la préférence dont il fut l’objet s’explique par l’absence. Laure, arrachée à son compagnon d’enfance, en fit un amant dans son âme, dès qu’elle eut compris l’impossibilité sociale de se consacrer à son frère, à moins qu’il ne devînt son époux. Elle n’hésita pas un instant, et, jusqu’au jour de l’hyménée, elle ignora que le rôle d’épouse ne fût pas identique à celui de sœur.

Les transports de la passion d’Octave, suivis d’invincibles accablements d’esprit, eussent dû jeter quelque soudaine clarté dans l’esprit de Laure. Elle ferma instinctivement les yeux, et son exquise chasteté ne comprit jamais que l’amour des sens n’est qu’une des faces