Laure était donc accablée d’un malaise moral dont elle ne se rendait pas bien compte à elle-même. Octave ne s’en doutait seulement pas. Il trouvait cette façon de vivre toute naturelle. Il avait été élevé par sa mère dans l’idée que les hommes ne doivent pas encombrer la maison, et que les femmes aiment à se livrer aux soins domestiques sans subir le contrôle de ces désœuvrés. Il faisait comme avait fait son père ; il vivait dehors pour ne pas gêner les femmes, et il ne pouvait se défendre de les trouver gênantes à la promenade. Quand il ne chassait pas avec la rage d’un Indien, il péchait avec la patience d’un Chinois. Il avait des chevaux à dresser, à panser, à contempler, de grands abatis d’arbres à surveiller, opérations dont le bruit et le désordre étaient pour lui un spectacle et une musique en harmonie avec la rudesse de ses organes. Au retour de ces agitations, il adorait sa femme, mais il n’avait pas une idée à échanger avec elle. Il fallait manger et dormir, deux grandes opérations dans l’existence d’un homme si robuste. Les courts élans de sa passion, qui était pourtant réelle, ne se traduisaient par aucune délicatesse. C’était de la passion physique dans l’amitié. La tendresse et l’enthousiasme lui étaient également inconnus.
Ces deux époux ne vécurent pas assez longtemps ensemble pour que la femme arrivât à se dire qu’elle était malheureuse. Peut-être ne se le fût-elle jamais dit : sa