Page:Sand - Adriani.djvu/160

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

mais elle croyait trouver le remède dans l’oubli ; elle ne voulait pas croire et elle ne savait pas, inexpérimentée et candide qu’elle était, que l’amour est le seul bien qui remplace l’amour.

Elle s’efforçait donc d’anéantir en elle-même le sentiment de l’existence réelle, et de se perdre dans le rêve de l’inconnu. Elle regardait les nuages et les étoiles, plongée dans des aspirations religieuses et métaphysiques qui la soutinrent pendant quelque temps ; mais l’âme humaine ne peut suivre impunément ces routes sans limites et sans issue. Le catholicisme a écrit le mot mystère au fronton de son temple, sachant bien que, pour croire, il ne pas faut trop chercher. Le ciel ne se révèle pas. Il s’entr’ouvre à l’espérance, à l’enthousiasme, à la science, et se referme aussitôt, ou se peuple, à nos yeux éblouis et trompés, de fantaisies délirantes. Laure sentit que ces hallucinations la menaçaient. Épouvantée, elle en détourna ses regards et retomba brisée sur la terre, convaincue qu’elle ne pouvait embrasser l’infini, et que son organisation positive dans l’affection (c’est-à-dire essentiellement humaine et par là excellente) s’y refusait plus que toute autre.

Elle en était là quand elle vit Adriani. Son premier pas vers lui fut une attention plus marquée qu’elle n’avait encore pu en accorder à aucun homme depuis son malheur ; le second pas fut l’admiration envers une belle