Page:Sand - Adriani.djvu/230

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— Hélas ! mon ami, tout cela est bel et bon ; mais le proverbe dit vrai : « Qui a terre, a guerre ! » Vous me croyez ici le plus heureux des hommes ; eh bien, si je trouvais de ma propriété ce qu’elle vaut (je ne dis pas ce qu’elle m’a coûté en embellissements et réparations), je bénirais l’acquéreur qui me débarrasserait de mes soucis.

Le baron hésita un peu avant de continuer ; mais, voyant qu’Adriani l’écoutait avec intérêt :

— Je vais vous confier ma position comme à un ami, lui dit-il : je dois presque autant que je possède.

— Quoi ! vous si sage ? dit Adriani en souriant.

— Mon cher enfant, la poésie est un goût ruineux ! Vous l’ignorez, vous qui cumulez l’ode et le chant ; mais sachez que les vers ne se vendent point et que les succès purement littéraires coûtent à un homme la bourse et la vie. Mes poèmes sont lus, mais si peu achetés, qu’il m’a fallu faire tous les frais de publication, lesquels ne me sont jamais rentrés. Je n’ai pas voulu, en les offrant aux éditeurs, mettre ma renommée à la merci de leurs intérêts. J’ai beaucoup écrit, beaucoup imprimé, ne m’inquiétant pas d’encombrer la boutique des libraires, pourvu que la critique et le public fussent tenus en haleine, et que mon nom se fît au prix de ma fortune. Je ne m’en repens pas. J’ai préféré l’art à la richesse. N’ayant, Dieu merci, ni femme ni enfants, quel plus