Page:Sand - Adriani.djvu/24

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aux belles Suissesses, qui par parenthèse, ne sont belles que de santé, et montrent de grosses vilaines jambes au bout de leurs jupons courts. Je suis revenu par Genève et Lyon. J’ai renvoyé Clodius, qui me volait ; j’ai pris un domestique qui ne fait que m’ennuyer par sa figure de pédant. Je me suis mis en route pour la Méditerranée, et je m’arrête chez notre baron, qui se trouve sur mon chemin. J’y suis seul pour le moment, et je ne m’en plains pas. C’est toujours le plus galant homme du monde ; mais, quand il m’a parlé beaux-arts et qu’il m’a montré ses cahiers, j’ai eu bien de la peine à cacher une grimace abominable. Il faudra pourtant s’exécuter, entendre, juger, promettre. Ce ne sera certainement pas mauvais, ce qu’il va me lire ; mais ce serait du Virgile tout pur, que ça ne vaudrait pas les arbres, le soleil, le mouvement, l’imprévu, enfin le délicieux rien faire, si rare et si précieux dans une vie agitée et souvent assujettie.

J’ai encore deux jours de répit, parce qu’il a été forcé de s’absenter, et j’en vas profiter pour m’abrutir encore un peu à la chasse. Mais je t’entends d’ici me dire : « Pourquoi chasser ? pourquoi te donner un prétexte, quand tu as le droit et le temps de battre les bois et de t’égarer dans les sentiers ? » Tu as bien raison. C’est lourd, un fusil, et ça ne tue pas ; du moins je n’en ai jamais rencontré un qui fût assez juste pour moi. Peut-