Page:Sand - Adriani.djvu/37

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jardin, il se promit de s’en aller sans chercher à voir personne. Mais, en se levant, il se trouva en face d’une vieille femme qu’il n’avait pas entendue venir.

C’était une camériste prétentieuse, communicative, assez dévouée pour supporter l’ennui de ce séjour, pas assez pour ne pas s’en plaindre au premier venu. Un étranger, un passant, un être humain, quel qu’il fût, était une bonne fortune pour elle, et, loin de signaler le délit d’indiscrétion où d’Argères s’effrayait d’être surpris, elle l’accueillit avec toutes les grâces dont elle était encore capable.

Elle avait été jolie, elle était mise avec aussi peu de recherche que le comportaient l’abandon d’une telle retraite et l’heure matinale, et pourtant son jupon de soie usé n’avait pas une seule tache, et sa camisole blanche était irréprochable. Ses cheveux blonds, qui tournaient au gris-jaunâtre, étaient bien lissés sous sa cornette de nuit. Elle avait de longs doigts blancs et pointus qui sortaient de gants coupés et qui décelaient, par leur forme particulière, la femme curieuse, vivant de projets, et portée à l’intrigue par besoin d’imagination. Cette femme, frottée aux lambris et aux meubles où s’agite le monde, avait une apparence de distinction qui pouvait abuser pendant quelques instants. D’Argères y fut pris, et, croyant avoir affaire à une mère, il se leva et salua très-respectueusement, bien que cette figure flétrie et pro-