Page:Sand - Adriani.djvu/46

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de me prêter à cela, mais je ne savais pas résister. Laure me disait comme ça :

» — Je sais bien, à présent, pourquoi ma bonne tante veut me contrarier. C’est par fierté, par délicatesse ; mais je mourrai si je ne reçois pas de lettres d’Octave, et je suis bien sûre qu’elle ne veut pas ma mort.

— Et les lettres d’Octave, comment étaient-elles ? dit d’Argères, qui ne pouvait se défendre d’écouter avec attention.

— Ah ! dame ! les lettres d’Octave étaient bien gentilles, bien honnêtes et bien aimantes aussi ; mais ce n’était pas ce style, cette grâce, cette force. Il fallait deviner un peu ce qu’il voulait dire. Octave n’aimait pas l’étude. Il aimait trop le mouvement, la vie de château, la chasse, le grand air…

— Quand je vous le disais ! s’écria d’Argères. Il était bête ! Ceux qu’on adore sont toujours comme cela.

— Eh bien, il était un peu simple, je vous l’accorde, répondit Toinette, qui prenait plaisir à être écoutée ; il avait le tempérament rustique, et, en fait de talents, il n’avait pas de grandes dispositions.

— Oui, en fait de musique, il aimait la grosse trompe, et, en fait de langues, il écorchait la sienne. Je parie qu’il avait l’accent marseillais ?

— Pas beaucoup, monsieur ; mais qu’est-ce que cela fait quand on aime ?