Page:Sand - Adriani.djvu/54

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Il épousa sa blanchisseuse. C’était un vrai Pétrarque, moins les sonnets. Il est parti pour l’Allemagne, où il est maître de chapelle de je ne sais quel petit souverain.

» Vous voyez bien que ce n’était pas moi, et je vous donne ma parole d’honneur que je ne connais pas autrement votre maîtresse, et que, sans le hasard qui m’amène dans ce pays, joint au hasard de votre agréable conversation, son nom ne serait peut-être jamais rentré dans ma mémoire.

— Pauvre jeune homme ! dit Toinette, qui paraissait ne songer qu’au héros du récit de d’Argères. Il était… Alors, monsieur est musicien ?

— Encore ? dit d’Argères en riant. Eh bien, oui, je sais la musique ; je l’aime avec passion. J’ai entendu chanter votre maîtresse hier au soir, en passant derrière cette vigne. Elle chante admirablement. On m’a dit qu’elle n’avait pas sa raison. Cela m’a fait peur ; j’en ai rêvé. Je suis venu ici sans trop savoir pourquoi. Je suis l’hôte et l’ami du baron de West. Je suis ce que, dans vos idées, vous appelez bien né. Je m’appelle d’Argères. Je ne suis ni mauvais sujet ni endetté. Êtes-vous satisfaite ? êtes-vous tranquille ? et puis-je prétendre à l’insigne honneur d’apercevoir le bout du nez de votre maîtresse ?

— Tenez, la voilà, monsieur, répondit Toinette en se levant avec vivacité et en courant au-devant d’une per-