Page:Sand - Andre.djvu/181

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maltraitent quand ils ne peuvent pas les effrayer.

— Ne craignez rien pour moi, Joseph ; je me cacherai d’eux comme ils se cacheront de moi. Allez ! et pour l’amour de Dieu, revenez vite me dire ce qu’il a.

Elle sauta légèrement à terre, prit le manteau de Joseph sur son épaule et s’enfonça dans les longues herbes du pâturage.

« Drôle de fille ! se dit Joseph en la regardant fuir comme une ombre vers la chapelle. Qui est-ce qui l’aurait jamais crue capable de tout cela ? Henriette le ferait certainement pour moi, mais elle ne le ferait pas de même. Elle aurait peur, elle crierait à propos de tout ; elle serait ennuyeuse à périr… elle l’est déjà passablement. »

Et, tout en devisant ainsi, Joseph Marteau arriva au château de Morand.

Il trouva André assez sérieusement malade et en proie à un violent accès de délire. Le marquis passait la nuit auprès de lui avec le médecin, la nourrice et M. Forez. Joseph fut accueilli avec reconnaissance, mais avec tristesse. On avait des craintes graves : André ne reconnaissait personne ; il appelait Geneviève ; il demandait à la voir ou à mourir. Le marquis était au désespoir, et, ne pouvant pas imaginer de plus grand sacrifice pour soulager son fils que l’abjuration momentanée de son autorité, il se penchait sur lui, et, lui parlant comme à un enfant, il lui promettait de lui laisser aimer et épouser Geneviève ;