Page:Sand - Andre.djvu/187

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comme des siècles. Enfin, elle se leva avec égarement, jeta le manteau de Joseph sur le pavé, et se mit à courir de toutes ses forces dans le sentier de la prairie.

Elle s’arrêta deux ou trois fois pour écouter si Joseph n’arrivait pas à sa rencontre ; mais, n’entendant et ne voyant personne, elle reprit sa course avec plus de précipitation, et franchit comme un trait les portes du château de Morand.

Dans l’agitation d’une si triste veillée, tous les serviteurs étaient debout, toutes les portes étaient ouvertes. On vit passer une femme vêtue de blanc, qui ne parlait à personne et semblait voler à travers les cours. La vieille cuisinière se signa en disant :

— Hélas ! notre jeune maître est achevé. Voilà son esprit qui passe.

— Non, dit le bouvier, qui était un homme plus éclairé que la cuisinière. Si c’était l’âme de notre jeune maître, nous l’aurions vue sortir de la maison et aller au cimetière, tandis que cette chose-là vient du côté du cimetière et entre dans la maison. Ça doit être sainte Solange ou sainte Sylvie qui vient le guérir.

— M’est avis, observa la laitière, que c’est plutôt l’âme de sa pauvre mère qui vient le chercher.

— Disons un Ave pour tous les deux, reprit la cuisinière ; et ils s’agenouillèrent tous les trois sous le portail de la grange.

Pendant ce temps, Geneviève, guidée par les lumières qu’elle