André sait mieux aimer que moi. Il ne sait pas agir, mais il sait souffrir et pleurer. Voilà ce qui gagne le cœur des femmes. Ce pauvre enfant n’aura peut-être ni la force de l’épouser ni celle de l’abandonner. Dans tous les cas, il sera malheureux ; mais je ne veux pas qu’il soit dit que j’y aie contribué, moi, Joseph Marteau, son ami d’enfance. Ce serait mal. »
C’est avec ces idées et ces maximes que Joseph Marteau, après avoir passé en un jour par les sentiments les plus contraires, se résolut à hâter de tout son pouvoir la réconciliation d’André avec Geneviève.
— Je m’abandonne à toi comme à mon meilleur, comme à mon seul ami, lui dit André ; dis-moi ce qu’il faut faire, aide-moi, réfléchis et décide. J’exécuterai aveuglément tes ordres.
— Eh bien ! lui dit Joseph, il faut procéder honnêtement, si nous voulons avoir l’assentiment de Geneviève. Va trouver ton père sur-le-champ et demande-lui son consentement. S’il te l’accorde, écris à Geneviève pour la prier de revenir ; je porterai la lettre et je lui dirai tout ce qui pourra la décider. S’il refuse, nous partons sans le prévenir, et nous procédons cavalièrement avec lui.
— Ne pourrais-tu me sauver l’horreur de cet entretien ? dit André ; j’aimerais mieux me battre avec dix hommes que de parler à mon père.
— Impossible, impossible ! dit Joseph ; il refusera, il te brutalisera, il n’en faut pas douter ; tant mieux !