Page:Sand - Andre.djvu/237

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de laquelle André avait accepté d’abord les secours de son ami, avait fini par s’apercevoir de ces emprunts, et elle s’y opposait désormais avec fermeté. Elle supportait la faim et le froid avec un courage héroïque, et se condamnait aux plus grossiers travaux sans jamais faire entendre une plainte. André était assez malheureux ; assez de tourments, assez de remords le déchiraient ; elle essaya de le consoler en pleurant avec lui. Mais une femme ne peut pas aimer d’amour un homme qu’elle sent inférieur à elle en courage ; l’amour sans vénération et sans enthousiasme n’est plus que de l’amitié ; l’amitié est une froide compagne pour aider à supporter les maux immenses que l’amour a fait accepter.

Joseph ne voyait dans tout cela que l’air souffrant et abattu d’André et sa situation précaire ; il ne savait plus quel conseil ni quel secours lui donner. Un matin il prit sa gibecière et son fusil, acheta un lièvre en traversant le marché, et s’en alla à travers champs au château de Morand. Il y avait six mois qu’il n’avait eu de rapports directs avec le marquis ; il savait seulement que celui-ci s’en prenait à lui de tout ce qui était arrivé et parlait de lui avec un vif ressentiment. « Il en arrivera ce qui pourra, se disait Joseph en chemin ; mais il faut que je tente quelque chose sur lui, n’importe quoi, n’importe comment. Joseph Marteau n’est pas une bête ; il prendra conseil des circonstances et tâchera d’étudier