Page:Sand - Andre.djvu/266

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Joseph embarrassé ; Geneviève était absorbée dans une rêverie douce et mélancolique. Les embrassements du marquis et de son fils furent convulsivement froids. La douce figure de Geneviève, son air souffrant, ses respectueuses caresses, firent une certaine impression sur la grossière écorce du marquis. Il ne put s’empêcher de lui témoigner des égards et des soins qu’il n’avait peut-être jamais eus pour aucune femme, hors les cas d’amour et de galanterie, où il se piquait d’être accompli. Le jeune couple fut installé au château assez convenablement, et richement en comparaison de l’état misérable dont il sortait. Le marquis eut l’air de faire beaucoup, quoiqu’il ne fit que prêter une chambre et céder deux places à sa table. André ne se plaignit pas ; Geneviève était reconnaissante des plus petites attentions. Joseph venait de temps en temps ; il était mécontent et découragé d’avoir manqué sa grande entreprise. La conduite sordide du père le révoltait, la résignation indolente du fils l’impatientait ; mais il ne pouvait que se taire et boire le vin du marquis.

Tout alla bien pendant quelques jours. Quand les premiers moments de satisfaction d’un côté et d’allégement de l’autre furent passés, quand le marquis se fut accoutumé à ne rien craindre de la part de son fils, et André à ne rien espérer de la part de son père, l’antipathie naturelle qui existait entre eux reprit le dessus. Le marquis était méfiant maladroitement, comme un vieux campagnard. Il croyait avoir maté