Page:Sand - Andre.djvu/44

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reprit Joseph ; une bégueule qu’on ne voit jamais et qui voudrait se mettre sous verre comme ses marchandises ?

— Qu’est-ce donc que mademoiselle Geneviève, demanda André ; je ne la connais pas…

— C’est la marchande de fleurs artificielles, répondit Joseph, et la plus grande chipie

En ce moment la servante annonça, avec la formule d’usage dans le pays, Voilà madame une telle, une des dames les plus élégantes de la ville.

« Oh ! je m’en vais, dit tout bas Joseph ; voici la quintessence de bégueulisme. »

Cette visite interrompit la conversation des grisettes, et l’activité de leur aiguille fut ralentie par la curiosité avec laquelle elles examinèrent à la dérobée la toilette de la dame, depuis les plumes de son chapeau jusqu’aux rubans de ses souliers. De son côté, madame Privat, c’était le nom de la merveilleuse, qui regardait les chiffons du trousseau avec beaucoup d’intérêt, s’avisa de faire, sur la coupe d’une manche, une objection de la plus haute importance. Le rouge monta au visage d’Henriette en se voyant attaquée d’une manière aussi flagrante dans l’exercice de sa profession. La dame avait prononcé des mots inouïs : elle avait osé dire que la manchette était de mauvais goût, et que les doubles ganses du bracelet n’étaient pas d’un bon genre. Henriette rougissait et pâlissait tour à tour ; elle s’apprêtait à une réponse foudroyante, lorsque madame Privat,