Page:Sand - Andre.djvu/84

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Il prit un parti plus sage et plus cruel : il alla droit à l’écurie, fit sortir son cheval, atteler le char à bancs et conduire l’un et l’autre à trois cents pas de la maison dans une grange dont il prit la clef dans sa poche ; puis il revint d’un air calme et rentra dans le salon. Il n’y trouva personne ; mais la Vengeance, qui le protégeait, lui fit apercevoir du premier coup d’œil quatre ou cinq grands bonnets de tulle et deux ou trois châles de Barèges étalés avec soin sur le canapé. Ces demoiselles avaient déposé là leurs atours pour courir plus à l’aise dans le jardin. Le marquis n’en fit ni une ni deux ; il s’étendit tout de son long sur les rubans et sur les dentelles, et ne manqua pas d’allonger ses grosses guêtres crottées sur le fichu de crêpe rose de mademoiselle Henriette. Il attendit ainsi, dans un repos délicieux, que ces demoiselles eussent fini de dévaster son verger.

Quand elles rentrèrent, elles trouvèrent en effet le malicieux campagnard qui feignait de dormir en écrasant les précieux chiffons ; elles le maudirent mille fois et prononcèrent, assez haut pour qu’il l’entendît, les mots de vieil ivrogne.

— Fort bien ! disait Henriette d’un ton aigre, il faut de la dentelle à M. le marquis pour dormir en cuvant son vin !

— Ma foi ! disait Joseph en se pinçant le nez pour ne pas éclater de rire, je trouve la chose singulière et si drôle qu’il m’est impossible de m’en affliger. Vraiment ! c’est dommage de réveiller ce bon marquis