Page:Sand - Antonia.djvu/127

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babioles qu’elle ne regardait jamais sur ses étagères, des plafonds bleus à étoiles d’or sur sa tête, des tapis des Gobelins sous ses pieds, des vases de Sèvres pour mettre ses bouquets, des laquais galonnés pour lui annoncer ses amis, des éventails de Chine plein ses poches et des diamants plein ses écrins ? Tout cela ne l’avait amusée qu’un jour, et quels jouets peuvent distraire un cœur qui s’ennuie ? Cette vie austère et laborieuse de Julien, son touchant tête-à-tête perpétuel avec sa mère, son amour caché, prosterné, comme il l’avait dit lui-même, n’était-ce pas quelque chose de plus pur et de plus grand que l’existence et l’hommage d’un grand seigneur frivole ou blasé ?

Un moineau apprivoisé par Julien, et qui vivait en liberté sur les arbres voisins, entra dans l’atelier et vint se poser familièrement sur l’épaule de Julie. Étonnée un instant, elle crut à quelque prodige, à un augure antique, présage de bonheur ou de victoire. Elle était réellement enivrée.

Madame Thierry entra enfin toute troublée et tout attendrie. Elle avait exigé qu’on la laissât seule un instant avec la comtesse. Elle se jeta à ses pieds, et, forcée par elle de se relever bien vite, elle lui parla ainsi :

— Vous êtes bonne comme les anges, ma belle voisine. Soyez mille fois bénie ! Mais voyez ma douleur en même temps que ma joie : mon fils, mon cher Julien est perdu s’il ne renonce bien vite à l’espérance de vous revoir jamais. Il vous aime, madame, il vous