Page:Sand - Antonia.djvu/130

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Julie, mais sur la plante qu’il allait nommer, et il la voyait réduite à un paquet de fleurs caulinaires d’où sortait une hampe brisée, humide d’une sève qui retombait en larmes.

— Où est-elle ? s’écria-t-il avec stupeur. Qu’en as-tu fait, grand Dieu ? Julien, où est l’Antonia ?

Personne ne répondit. Madame Thierry regardait Julien, qui ne regardait que madame d’Estrelle, et madame d’Estrelle, qui n’était au courant de rien, ne savait que penser de l’épouvante ingénue de son procureur.

— Que cherchez-vous donc ? dit-elle en se levant.

Et, en se levant, elle fit tomber à ses pieds l’Antonia, que, dans le moment où elle s’était trouvée seule, elle avait reprise au vase et posée assez tendrement sur ses genoux.

Madame Thierry comprit tout de suite ; Marcel ne fit que constater. Il ne devina nullement.

— Ah ! madame ! s’écria-t-il, à une autre que vous je dirais qu’elle nous ruine ! Mais à vous que peut-on dire ?… Et, après tout, quand il s’agit de vous, que peut-on craindre ? L’oncle Antoine pourra-t-il vous en vouloir, puisque vous ne saviez pas ? Julien ne vous avait donc rien dit ?

— Sans doute, dit madame Thierry, Julien n’a rien expliqué à notre bienfaitrice ; mais elle doit bien voir que tout le monde ici n’est pas raisonnable, et qu’en voulant nous faire du bien, elle risque d’aggraver nos maux.