Page:Sand - Antonia.djvu/169

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étaient sans date, sans timbre de poste. Ils étaient apportés par le valet de chambre de l’ex-armateur, un vieux marin esclave de sa consigne, dévoué comme un nègre, muet comme une souche.

— Allons ! disait Marcel à madame Thierry, il boude, cela est certain, ou bien il a honte de sa folie, et pour quelque temps il se cache. Espérons qu’il reviendra corrigé de sa matrimoniomanie, et qu’il tiendra à honneur de ne pas rompre certain marché relatif à ce pavillon. Vous avez besoin de l’indemnité, et je ne vous cache pas que madame d’Estrelle a grand besoin de la somme promise. Je ne sais pas quelle mauvaise mouche pique ses créanciers, mais les voilà qui tout à coup montrent une impatience et une inquiétude étranges. Ils vont jusqu’à menacer de céder leurs créances à un créancier principal, qui spéculerait à coup sûr sur les embarras de ma cliente, et c’est là ce qu’il y aurait de pis.

— Je ne suis pas tranquille, disait-il deux jours après à madame d’Estrelle, qui venait de rendre visite à son beau-père malade ; je crains que M. le marquis ne meure à l’improviste sans avoir réglé vos affaires.

— Je ne compte pas sur ses bontés pour moi, répondit Julie ; mais je ne puis croire qu’il me laisse aux prises avec les créanciers du comte, lorsqu’il ne s’agit que de prendre quelques dispositions pour en finir. Il faut bien admettre cette puérile frayeur des privations qui tourmente les vieillards égoïstes ; mais après lui…