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son siège, Bastien irait bien. Ceci ne m’a point paru très-rassurant. Je ne suis pas aussi flegmatique que votre suisse, et j’ai couru pour venir ici. J’espérais trouver encore Marcel et lui dire de ne pas vous confier seule à un cocher ivre ; mais j’arrive quelques minutes trop tard. Vous êtes seule en effet, et vous avez eu peur.

— C’est fini, dit Julie, me voilà tranquille ; ramenez-moi à pied. Vous êtes pour moi la Providence !

— À pied, c’est trop loin, reprit Julien, et vous n’êtes pas chaussée pour marcher. Le fiacre qui est là marchera, lui, bon gré mal gré, je vous en réponds, et je monterai derrière pour vous reconduire.

Julien conduisit madame d’Estrelle jusqu’au fiacre. Il l’y fit monter et ordonna au cocher de conduire. Le cocher refusa. Julien sauta à côté de lui et prit les guides en lui jurant qu’il allait le jeter dans le ruisseau, s’il faisait résistance. La belle prestance et l’air décidé du jeune homme intimidèrent le cocher, qui se soumit ; mais à peine avait-il fait cent pas, qu’il s’arrêta en criant au voleur et à l’assassin. Un groupe d’hommes venait de sortir d’une maison, et le pauvre diable espérait trouver quelque secours contre la violence qu’il subissait.

Le hasard voulut que ces hommes fussent des gens du bel air, sortant un peu avinés d’un souper fin. L’aventure les prit dans ce moment d’excitation où l’on se fait volontiers redresseurs de torts, surtout lorsqu’on est quatre contre un. Ils arrêtèrent brus-