Page:Sand - Antonia.djvu/217

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lune qui déclinait vers l’horizon devint si claire, qu’il fallut bien reconnaître que l’aube s’était mise de la partie. Julie se leva et s’enfuit après avoir juré et fait jurer cent fois à Julien que leur union était indissoluble.

Camille fut bien surprise, lorsqu’elle eut ouvert à sa maîtresse, de voir qu’il était près de trois heures.

— Est-ce que mes gens m’attendent encore ? dit madame d’Estrelle.

— Oui, madame ; ils pensent que madame a voulu faire les prières de nuit auprès du corps de M. le marquis. La voiture a été chercher madame. Madame a dû la trouver à la porte de l’hôtel d’Ormonde.

— Non ; je ne l’ai pas attendue, elle tardait trop. M. Marcel Thierry m’a ramenée par le pavillon, où j’ai dû m’arrêter pour causer avec lui de mes affaires. Dites aux domestiques de se coucher ; la voiture rentrera quand le cocher sera dégrisé.

— Ah ! mon Dieu ! madame sait donc… ? Ce pauvre Bastien ! je peux bien le jurer à madame !… il s’est grisé par dépit, parce que madame avait pris un fiacre.

Si cette explication fit sourire Julie, les siennes propres parurent bizarres à la soubrette ; mais elle n’y entendit pas malice. La vie de Julie était si régulière et si chaste ! Elle pensa seulement que la situation financière était en grand péril, puisqu’on passait la nuit à en parler avec le procureur, et elle fit part de ses inquiétudes aux autres valets, qui s’en affligèrent tout en songeant à ne point laisser arriérer leurs gages. Le