Page:Sand - Antonia.djvu/237

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connaissait pas Julie, la marquise avait quelque motif de croire ce qu’elle désirait croire. Cette satisfaction l’apaisa comme la possession d’une proie apaise l’agitation du vautour. Elle partit d’un méchant rire en regardant Marcel d’une manière triomphante, et, sans saluer personne, sans attendre que personne lui adressât la parole :

— Venez, monsieur le procureur, dit-elle à Marcel, je suis satisfaite ; j’ai vu ici tout ce que je voulais voir ; allons à nos affaires.

Julie sentit le sarcasme, elle allait y répondre. Elle était poussée à bout, au point de souhaiter dire son secret en présence de tous. C’était, selon elle, l’occasion ou jamais. Puisque la calomnie voulait la traiter en pécheresse humiliée, elle voulait reprendre sa dignité par l’aveu d’un amour sérieux et bientôt légitime. C’était un grand acte de courage de la part d’une femme qui n’avait jamais rien su braver ; aussi n’était-elle pas de sang-froid en prenant à la hâte et à l’insu de Julien cette résolution extrême.

Mais il ne lui fut pas donné de l’accomplir ainsi. Marcel et madame Thierry lui saisirent chacun une main en lui disant bas, comme à l’unisson :

— Ne répondez pas ; laissez tomber cela sous vos pieds !

Et, pendant qu’ils la retenaient ainsi, la douairière passa devant elle sans daigner la regarder et reprit l’allée qui ramenait à l’hôtel, tandis que l’honnête notaire, qui l’attendait dehors et qui la suivit, adressait