Page:Sand - Cadio.djvu/112

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plus preux que lui, qui n’a que de l’ambition et que mène la fièvre d’une énergie brutale, maladie particulière à ces gentilshommes illettrés, espèces de fous à instincts sauvages qui noient dans le carnage et la débauche le tourment de leur oisiveté et le vide de leur intelligence. Ah ! pardonne-moi. Louise ! Ton père est un saint, et il y en a plusieurs comme lui dans votre armée ; mais, puisque tu m’accuses de te disputer les regards du moins méritant, du plus souillé de vos prétendus héros, il faut que tu saches quelle indignation s’est amassée en moi contre l’abominable guerre que vous faites avec eux et les crimes dont, grâce à eux, vous semez la contagion… Oh ! les cruautés sont égales de part et d’autre, je le vois, je le sais, je les déteste toutes ; mais vous qui avez allumé l’incendie, vous êtes les vrais coupables, et j’ai horreur, à présent que je vous connais, de la sanglante et cynique autorité que vous vous flattez d’établir en France avec de pareils hommes !

LOUISE. Tu nous maudis, tu nous détestes ? Je m’en doutais bien…

MARIE. Ton père déteste et maudit bien plus que moi l’entreprise où vous l’avez jeté !

LOUISE. Tais-toi ! tu me déchires le cœur ! C’est moi qui l’ai entraîné, perdu, je sais cela ! J’ai été romanesque, exaltée… J’étais dévorée d’ennui à Sauvières, je voyais Henri abandonner notre cause… Saint-Gueltas est venu… Mon père résistait… Je sentais que l’on faisait violence à sa loyauté… et pourtant j’ai dit un mot cruel,… un mot fatal qui a étouffé le cri de sa conscience et qui l’a précipité dans un abîme de chagrins et de malheurs. — Ah ! que veux-tu ! nous ne pouvons pas voir bien clair dans tout cela, nous autres