Page:Sand - Cadio.djvu/174

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la Loire, ils les traitent d’espions et de déserteurs… pour n’avoir pas à les nourrir ! La famine est là-bas pire qu’à Nantes. D’ailleurs, Saint-Gueltas… je ne l’aime pas, moi !

LOUISE. Pourquoi ? Il ne t’a rien fait.

CADIO. Si ! Il m’a fait donner la quenouille qui a fâché votre père. J’aurai toujours ça sur le cœur.

LOUISE. Ce n’est pas lui, c’est M. Sapience.

CADIO. C’est le curé d’abord, le marquis ensuite.

LOUISE. Il l’a nié.

CADIO. Et vous croyez ce qu’il dit, vous ?

LOUISE. Et toi, tu le crois capable de mentir ?

CADIO. S’il n’est pas menteur, il y a bien des femmes qui mentent !

LOUISE. Comment ! quelles femmes ?

CADIO. Toutes celles qu’il a promis d’aimer toujours… à ce qu’elles disent, du moins.

LOUISE, agitée. Pourquoi ne mentiraient-elles pas ?

CADIO. Alors, c’est toutes des folles et des sans-cœur de s’être données à lui sans lui faire rien promettre ! — Qu’est-ce que vous avez, demoiselle ? Vous voilà triste et songeuse. Vous jouerai-je un air de biniou ?

LOUISE. Plus tard, mon enfant, merci. — Dis-moi encore… As-tu entendu parler des bleus ?

CADIO. Oui, on ne parle que de ça à la ville.

LOUISE. Où sont-ils, à présent ?

CADIO. Ils sont partout. Ils font comme les Vendéens faisaient : ils s’égaillent pour les mieux prendre.

LOUISE. Et… Henri, celui que tu aimais tant ?

CADIO. Je n’ai pas pu le retrouver. Peut-être bien qu’il est avec ceux qui suivent le marquis et qui le débusquent de place en place ; mais il leur échappera.