voilà pour toujours en république. Qu’est-ce qu’il pourrait y avoir après ?
LOUISE. Eh bien, si tout est fini, si je suis orpheline, séparée des miens ou abandonnée à jamais, ruinée, proscrite, je resterai comme me voilà… Cachée par de braves gens, je travaillerai pour m’acquitter envers eux, oui, de tout mon cœur et de toutes mes forces ! Ce n’est pas si difficile qu’on croit de travailler.
CADIO. Je ne peux pourtant pas, moi ! et ça me paraîtrait bien dur.
LOUISE. Ce n’est pas un travail que de garder des troupeaux et de filer du chanvre ou de la laine.
CADIO. Est-ce que vous savez filer ?
LOUISE. Oui ; vois si ce n’est pas aussi bien qu’une autre ? (Elle lui montre son fuseau.)
CADIO, vivement. C’est mieux.
LOUISE, souriant. Tu me flattes ?
CADIO. Vous devriez toujours sourire comme ça.
LOUISE. Pourquoi ?
CADIO. Parce que… ça montre que vous avez du courage.
LOUISE. Il en faut, j’en aurai ; mais, toi, mon pauvre Cadio, que vas-tu devenir ?
CADIO. Ce que j’ai toujours été : rien.
LOUISE. Ce n’est donc rien que d’être paysan ? Moi, je vois à présent que c’est quelque chose.
CADIO. Je ne suis pas paysan : un paysan a de la terre ou cultive celle des autres pour en avoir un jour.
LOUISE. Cultive, travaille, et tu en auras !
CADIO. J’aime mieux ne rien avoir.
LOUISE. Que tu es singulier ! Pourquoi ?
CADIO. Celui qui a quelque chose veut le défendre ou l’augmenter.