Page:Sand - Cadio.djvu/274

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avez pris les grands moyens pour vous assurer de moi. Vous l’emportez ; je me soumets, au risque d’être moins fier et moins heureux que je ne l’étais en vous chérissant librement et en me croyant aimé pour moi-même. Je me trompais, hélas ! vous mettiez votre réputation au-dessus de mon bonheur, et ce qui passait dans votre esprit avant la passion, c’était le mariage ! Vous avez pleuré avec frénésie ce que vous appelez votre faiblesse et votre honte, ce que j’appelais, moi, votre grandeur et votre force. Nous ne nous entendions pas ; mais je fais votre volonté. Pourquoi n’êtes-vous pas fière et joyeuse ?

LOUISE. Saint-Gueltas, j’ai la mort dans l’âme, et vos paroles répondent avec une cruelle franchise à mes terreurs ! Vous allez me haïr, vous me haïssez déjà ! N’importe, je dois tout accepter pour assurer le sort d’un être qui m’est déjà plus cher que moi-même. Qu’il vive, et que je meure après ! Il ne maudira pas la mère qui se sera sacrifiée pour ne pas donner le jour à un bâtard ! Eh bien, vous pâlissez ?

SAINT-GUELTAS, effrayé. Louise, que dites-vous ? Est-ce vrai, mon Dieu, ce que vous dites-la ? Vous croyez… ?

LOUISE. Je voulais ne vous annoncer ce bonheur qu’au sortir de l’église, pour vous récompenser d’avoir fait votre devoir envers moi. Devant vos reproches et vos menaces, il faut bien que je vous dise : Épargnez-moi ! ayez pitié de votre enfant !

SAINT-GUELTAS, à ses genoux, avec effort. Pardon, Louise, pardon ! Je t’adore et je te bénis ! oublie que j’ai douté de ton amour, et ne vois que l’excès du mien dans ce doute injuste ! Allons, reprends courage, ma pauvre amie, essuie tes larmes ; voilà ta tante qui