Mets un peu de fard, crois-moi ; c’est très-nécessaire à tout âge. — Je vais sonner ta femme de chambre.
LOUISE, la retenant. Pas encore ! je me sens mal. Laissez-moi respirer, on étouffe ici ! (Elle ouvre la porte vitrée, qui donne sur le balcon.)
ROXANE. Moi, je trouve qu’on y gèle en plein été avec ce vent du nord. Ah ! ton royaume ne sera pas gai, ma pauvre Louise ! Ce château est un navire échoué sur un écueil ; c’est pour cela qu’il ne faut pas empêcher le marquis d’y recevoir joyeuse compagnie. C’est un peu mêlé, j’ai donné un coup d’œil au salon tout à l’heure, il y a de tout ; mais, en temps d’insurrection, il faut tolérer bien des choses. — Tu ne m’écoutes pas ?
LOUISE. Si fait ! vous disiez que l’endroit est triste ? Il est effrayant !
ROXANE. Oh ! effrayant ! ne parle pas de ça ! Il y revient certainement !… Heureusement, ce soir, il y aura du bruit, de la gaieté ; mais, la nuit dernière… Ah ! je ne veux pas te le dire, tu prendrais peur aussi.
LOUISE. Peur ? — Non, ma tante, je ne crois pas aux revenants, moi !
ROXANE. Tu es bien heureuse de n’en avoir jamais vu ! moi… Mais je ferai aussi bien de garder ça pour moi.
LOUISE. Dites tout ce que vous voudrez. Je n’y crois pas.
ROXANE. Comme tu voudras ; mais je ne manque pas de courage et je ne suis pas visionnaire. J’ai vu l’autre nuit la femme blanche, passer sur ce balcon au clair de la lune. Elle était horrible, décharnée, des yeux égarés, des cheveux gris flottant au vent, et elle riait ;… c’était affreux ! un vrai cri de mouette dans