Page:Sand - Cadio.djvu/349

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n’ai plus le temps de rien ménager. Louise, regardez-moi, et tremblez ! C’est moi qui ai tué la première femme de Saint-Gueltas et son fils !

LOUISE, reculant d’effroi. Toi ?

ROXANE. Ah ! quelle horreur ! Par l’ordre de ton maître ?

LA KORIGANE. Non, j’ai pris cela sur moi ; il avait besoin de leur mort, il la désirait, je m’en suis chargée. Il m’a maudite pour cela ; mais il a profité de mon crime pour vous épouser, Louise, et pourtant il ne vous aimait déjà plus. Il voulait plaire à son parti, à ceux qui vous protégeaient ; vous avez bien deviné cela, vous le lui avez dit, vous l’avez mortellement offensé. La grande comtesse est revenue, plus riche, plus habile, plus puissante que vous. Il ne l’aime pas, mais il a besoin d’elle à présent, et vous le gênez… Eh bien, le jour où cet homme-là, qui est le démon, me dira : « Emmène Louise, fais que je ne la revoie jamais !… » je vous tuerai, moi, il le faudra bien, ce sera plus fort que moi… Et, comme vous avez été bonne pour moi, comme vous m’avez montré de la confiance et qu’après vous avoir haïe, je vous ai aimée par son ordre, je me tuerai après l’avoir encore une fois servi en vous tuant. Ah ! laissez-moi fuir avec vous, faites que je ne le revoie jamais ! Je peux encore me repentir et sauver ma pauvre âme, car je le déteste et le maudis ; mais, s’il me parle, s’il me flatte, s’il me commande…, je ne peux pas répondre de moi ! Non, vrai ! je ne peux pas !

LOUISE. Ah !… Tu étais donc sa maîtresse, toi ? Je ne pouvais pas le croire !

LA KORIGANE, avec dépit. À cause que je suis laide ?