Page:Sand - Cadio.djvu/365

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L’OFFICIER. Est-ce à moi personnellement, monsieur, que vous adressez cette réprimande impertinente ?

L’ÉMIGRÉ. Vous ? Je ne vous connais pas ; mais prenez-le comme vous voudrez !

L’OFFICIER. Vous me rendrez raison de cette parole, monsieur ?

L’ÉMIGRÉ. Quand vous voudrez, monsieur !

UN PAYSAN, qui les a écoutés, parlant à ses compagnons. Voilà comme ça se passe ici ! On se bat, nous autres, parce qu’on a faim, et les chefs se battent parce qu’ils ne s’aiment point. On nous a trompés, les amis ! Anglais et Français ne pourront jamais marcher ensemble.

UNE FEMME. En attendant, nous voilà dans le grand malheur, et ça n’est pas la faute des uns ni des autres, si ces vaisseaux-là n’ont point apporté de quoi nourrir tout un pays qui se jette sur eux, au lieu de marcher en avant. M’est avis que nous avons fait comme les oiseaux affamés qui s’acharnent sur la mangeaille pendant que le vautour tombe sur eux.

UNE AUTRE FEMME. Dites donc plutôt que nous avons été sottes de nous sauver devant les républicains ! Ils ne nous auraient point fait de mal. Et quand même ils nous auraient pris nos denrées, ils nous auraient au moins laissé nos maisons ! À présent, nous voilà ici, couchant sur la terre, à la franche étoile, comme des animaux, manquant de tout, et ne pouvant plus sortir de ce méchant bout de rochers ou les bleus nous tiennent bloqués, Dieu sait pour combien de temps !

UNE AUTRE. Faut essayer d’en sortir ! À quoi ça leur sert-il, de nous bloquer ?

LA PREMIÈRE. Ça leur sert à affamer les Anglais et