Page:Sand - Cadio.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

de tous les pays qui le suivent, comptez que la sainte Vierge est à leur tête, et que pas un républicain, pas un trahisseur, pas même un tiède, ne restera sur terre. Quand Saint-Gueltas passe quelque part, c’est rasé ! c’est comme le feu du ciel ! — Mais, pour votre sûreté à vous, mes petites femmes, cachez-vous ; cachez vos jupons roses et vos cheveux poudrés, et cachez-les bien, car il sait dépister les jeunes comme les mûres, les villageoises en sabots comme les bourgeoises en souliers et les princesses en mules de satin ! Oui, oui, cachez-moi tout ça, ou malheur à vous !

LOUISE, à sa tante. Elle parle comme une folle ! elle me fait peur !

ROXANE. Et moi, elle m’amuse. (À la Korigane.) C’est très-drôle, tout ce que tu nous chantes là ; mais explique-toi mieux. Il ne respecte donc rien, ton fameux marquis ?

LA KORIGANE. Il n’a pas besoin de respecter ni de pourchasser ; il regarde !… Oh ! il vous regarde avec des yeux… C’est comme le serpent qui charme sa proie. Alors, qu’on veuille ou ne veuille pas, il faut penser à lui le restant de ses jours. Voilà ce que je vous dis, est-ce clair, mamselle Louise ? (Louise, troublée, s’éloigne avec un air de dédain.)

MARIE, calme, souriant, à la Korigane. Parlez pour vous, ma chère enfant !

LA KORIGANE. Pour moi ?

ROXANE. Pardine ! on voit bien que tu es amoureuse de lui.

LA KORIGANE. Amoureuse ? Je ne sais pas, demoiselle ! Je n’ai que seize ans, moi, et j’ai déjà couru de pays en pays pour gagner ma pauvre vie. J’aurais dû en apprendre long. Eh bien, je n’en sais guère plus