MOTUS. Citoyen vieillard, tu as raison ; je ne dis plus rien.
CADIO. Que faisiez-vous à Quiberon ?
LA TESSONNIÈRE. Oh ! bien sûr, je ne m’y battais pas. Ce n’est pas de mon âge ; d’ailleurs, je n’aime pas les Anglais ; mais je n’avais pas d’autre moyen pour émigrer que de m’adresser à eux.
CADIO. Avant d’aller à Quiberon, vous étiez chez Saint-Gueltas ?
LA TESSONNIÈRE. Depuis longtemps je l’avais quitté. C’est un homme mal élevé et difficile à vivre. J’étais tranquille à Ancenis ; mais je m’ennuyais, et j’avais besoin d’aller dans le Midi pour ma santé. Une fois en Angleterre, j’aurais gagné l’Espagne. Les émigrés m’ont très-mal reçu au fort Penthièvre. Ces gens-là n’ont ni cœur ni raison. J’essayais de me retirer tranquillement quand vous m’avez fait prisonnier par mégarde. Tiens, prête-moi ton cheval et dis-moi la route d’Ancenis.
CADIO, à Motus en levant les épaules. Partons ! (Ils s’éloignent au galop.)
MOTUS, quand ils ont rejoint la queue du convoi et se remettent au pas. Pardonne-moi, mon capitaine, et permets-moi, sans t’offenser, de rire comme un bossu à cause de ce particulier…
CADIO. Tais-toi, mon ami. Il ne faut pas nous vanter de ce moment d’indulgence. Ce vieillard est idiot à force d’égoïsme. Il ne m’intéresse pas ; mais il ne peut faire aucun mal, et j’aime mieux fermer les yeux sur son évasion que d’avoir à le faire fusiller.
MOTUS. Sans te questionner, mon capitaine, crois-tu que les autres… ?