Page:Sand - Cadio.djvu/394

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UN SOUS-OFFICIER, au soldat. Huit jours de salle de police pour avoir parlé aux condamnés ! (Il court aux fossoyeurs.) Ça finira-t-il, voyons, sacré mille tonnerres ? Qui m’a flanqué des clampins comme ça ? Voulez-vous qu’on vous fasse dépêcher, la baïonnette dans les reins ?

UN TOUT JEUNE SOLDAT, tout bas, à un autre. Si ça dure encore cinq minutes, mon fusil me tombera des mains. La tête me tourne et le cœur me manque.

L’AUTRE. Allons, allons, c’est la consigne, faut y aller ! (Le jeune soldat s’évanouit.)

LE SOUS-OFFICIER. Qu’est-ce qu’il y a, mille noms de… ?

L’AUTRE JEUNE SOLDAT. Faites excuse, mon caporal, c’est le camarade qui ne peut pas supporter l’ennui d’attendre… (Le sous-officier jure et tempête. Il est aussi ému que les autres et se soutient par la colère. Les terrassiers, effrayés, se hâtent.)

SAINT-GUELTAS, à Raboisson, à l’autre bout, de la prairie. Il paraît qu’on veut nous donner le temps de dire nos prières ! Que signifie cette pose que nous faisons ici ?

RABOISSON. Je ne sais, qu’importe ? La vie n’est pas belle, mais on peut bien la supporter un quart d’heure. Regarde donc le soldat qui est à ma gauche.

SAINT-GUELTAS. Le diable m’emporte, c’est Stock ! un de ceux qui vont nous tuer. Il s’est enrôlé dans les bleus après Savenay pour sauver sa vie, le lâche ! Je veux le faire pâlir ! (Haut.) C’est aujourd’hui le 10 août, je crois ! (Stock fait un geste de menace comme s’il voulait prendre Saint-Gueltas au collet, et lui glisse un billet dans la main.)

RABOISSON, bas. Qu’est-ce que c’est ?

SAINT-GUELTAS, après avoir lu à la dérobée. La comtesse veut et peut nous sauver ; il ne faut qu’un moment d’audace. (Il lui passe le billet.)