Page:Sand - Cadio.djvu/401

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CADIO, avec amertume. Vraiment ! Elle est émerveillée de se trouver libre au moment où, pour sauver son amant, elle consentait à suivre son mari ?

HENRI. Tu crois donc toujours l’être ?

CADIO. Non, elle ne m’est plus rien. Moi aussi, je suis libre ; j’oublierai.

MARIE. Que venais-tu donc faire dans cette solitude, Cadio ?

CADIO. Je ne venais pas me brûler la cervelle. J’appartiens à la patrie ; je suis tout à elle, à présent que je n’ai plus d’injure à venger. Je venais ici chercher le calme que j’y trouve quelquefois. C’est le couvent où j’ai failli être moine. Je me demande si ce n’était pas là ma destinée ! Je serais chassé, je serais errant aujourd’hui ; mais j’aurais dans l’esprit une idée fixe : celle de me préserver de l’amour pour plaire à Dieu, tandis que je m’en suis préservé pour remplir un devoir chimérique, celui de rester digne d’une femme qui me méprisait.

HENRI. Que dis-tu là ? Tu as donc toujours aimé Louise ?

CADIO. À présent, je peux l’avouer : je l’ai aimée comme je l’ai haïe, passionnément ! sans aucun espoir, et rempli de dégoût pour le choix qu’elle avait fait, je me suis obstiné à être un homme plus fort, plus brave, plus chaste que celui qu’elle me préférait. Ah ! l’effroyable travail auquel je me suis condamné pour plier ma nature contemplative à ces habitudes d’énergie et de stoïcisme ! J’ai failli en devenir fou !… Et, quand, après avoir vaincu tous mes instincts, j’avais réussi à me rendre terrible au lieu de tendre que j’étais, je me retrouvais toujours en face de l’impossible ! « Elle ne saura pas tes souffrances, elle n’assistera